Test 4K Ultra HD Blu-ray : Delicatessen (1991)

Publié le par la Rédaction



 

Synopsis

Louison, joueur de scie musicale un peu naïf, emménage dans un vieil immeuble, dans une ville où la nourriture fait défaut. Ses voisins sont étranges. Monsieur Potin vit au milieu des grenouilles et des escargots, les frères Kube fabriquent des boîtes qui meuglent, et la famille Tapioca est submergée de problèmes. Louison ne tarde pas à sympathiser avec la douce Julie, fille du terrible boucher du rez-de-chaussée, dont la boutique affiche l'enseigne Delicatessen.

 

NB : Les comparatifs image (compression .jpg, 8-bit) sont strictement à usage illustratif et sont non représentatifs de ce que l'Ultra HD Blu-ray diffusera sur votre écran UHD HDR calibré.

 

Afin de mettre en évidence l'utilisation concrète du Wide Color Gamut (WCG) sur cette édition (voir tutoriel ici), les pixels qui se situent dans la gamme standard/BT.709 (confinés à l'intérieur du petit triangle REC.709) vous sont présentés ici entièrement désaturés. A l'inverse, ceux faisant partie de la gamme élargie BT.2020, exclusive au disque 4K Ultra HD Blu-ray (qui s'étendent à l'extérieur du petit triangle REC.709) vous sont présentés en couleur :

 

Qualité Vidéo

Delicatessen (1991) constitue la première œuvre cinématographique issue de la collaboration des réalisateurs français Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet. Ce long-métrage a été couronné par l'obtention de quatre récompenses aux César. Se distinguant par son foisonnement de concepts novateurs et son ambiance extravagante, Delicatessen s'impose incontestablement comme une oeuvre unique du patrimoine français. Son esthétique singulière a non seulement marqué son temps mais aussi divisé le grand public par son caractère incandescent. Tourné en 35mm, l'œuvre a été restaurée en 4K par « L’Image Retrouvée » sous la direction de Jean-Pierre Jeunet. Un nouvel étalonnage couleurs a été réalisé en Dolby Vision. Le film est présenté sur cette édition 4K Ultra HD Blu-ray au ratio 1.85:1 et avec les options HDR10 et DV (ici FEL).

Cette présentation restaurée en 4K fait globalement bonne impression. Comparativement au master employé pour l'édition Blu-ray précédente, on note déjà la présence d'un cadrage bien plus généreux, qui nous fait apprécier la présence de portions supplémentaires aux quatre coins de l'image. L'apport à ce niveau est reéllement significatif. On peut chipoter car il en reste encore quelques-unes, mais le film a été nettoyé de l'essentiel de ses poussières et pétouilles. La stabilité de l'image, tant dans les plans individuels que dans les transitions, a été considérablement renforcée. L'autre avancée notable réside dans la netteté accrue et la redécouverte de détails fins. Les contours sont plus précis, les textures plus distinctes et l'image dans son ensemble semble avoir été affranchie d'un voile quelque peu poussiéreux. Les textures, qu'il s'agisse des vêtements ou des visages (Jean-Claude Dreyfus, Dominique Pinon, Rufus), ainsi que la conception de la production délibérément délabrée et décadente, gagnent en relief. Tout cela malgré des variations occasionnelles dans la qualité de quelques plans plus brûmeux.

En revanche, la gestion du grain est certainement plus discutable. Les propos introductifs de Studiocanal à l'entame du film évoque l'idée d'une "intervention harmonieuse sur le grain", confirmant surtout une apparente réduction qui interpelle, particulièrement sur les scènes en intérieur. La densité du grain 35mm semble avoir été maintenue a mimima. Un grain est toujours perceptible en filigrane mais sa respiration suggère une gestion contrôlée et qui mérite une attention critique. Autre point plus fragile : la compression vidéo. Le film n'occupe en lui-même qu'un espace de 43.1 Go, et les débits binaires affichent des variations régulières (voir la représentation graphique portant sur la compression vidéo de la version avec surcouche FEL) pénalisant quelques passages délicats.

La photographie du film fut magistralement assurée par Darius Khondji. L'esthétique visuelle particulière de Delicatessen (1991) est en partie dû à l'utilisation à l'époque d'un traitement photochimique spécifique de type "bleach bypass". Pour cette édition, l'équipe est reparti des négatifs originaux et un nouvel étalonnage couleurs a été supervisé en HDR pour reproduire (tout en magnifiant) les intentions esthétiques de l'époque. Et à ce niveau, le travail effectué est de toute beauté. Le film nous enveloppe dans des tons mordorés qui évoquent l'émerveillement des contes de Charles Perrault. La palette de couleurs fait une utilisation sélective de nuances de marron, de rouge, de brun et de jaune, créant une esthétique dérangeante et qui contribue à cette identité si singulière. Les dominantes de brun et de beige sont omniprésentes et suggèrent des textures de bois ancien, de papier vieilli et de métal rouillé. Et dans ce contexte inédit, l'étalonnage tire pleinement profit du Wide Color Gamut. Les scènes enrichies de couleurs allant au-delà des limites traditionnelles du gamut REC.709 sont même prépondérantes sur ce titre. Les couleurs chaudes, en particulier les variations d'orange et les touches saillantes de rouge, accentuent cette sensation d'étouffement et d'oppression conférée par le cadre de l'immeuble délabré et de ses occupants marginaux. Les contrastes ont été magnifiés, et de nombreux détails auparavant perdus dans les hautes lumières ont été récupérés. Les noirs ont été débouchés eux aussi et les zones surexposées de l'édition Blu-ray antérieure retrouvent relief et informations. La moyenne des pics lumineux a été mesurée à 487 nits. Elle entre en accord avec une approche d'étalonnage audacieuse.

 

Test 4K Ultra HD Blu-ray : 
Delicatessen

Test 4K Ultra HD Blu-ray : Delicatessen

 

Qualité Audio

Le précédent Blu-ray se limitait à une version 2.0 en DTS-HD Master Audio. Delicatessen (1991) bénéficie aujourd'hui d'un mixage en 5.1 canaux, ici présenté en DTS-HD Master Audio (sous 24-bit, 3566 kbps). Cette mise à niveau n'est pas qu'un simple ajout de canaux ; c'est une refonte qui transforme l'expérience. Prenons la séquence la plus emblématique, à partir de 16 minutes et 20 secondes, où le métronome marque son empreinte. Ici, l'utilisation astucieuse des canaux surround amplifie l'immersion, nous enveloppant dans un monde où chaque son prend vie de manière plus tangible. Cette scène iconique, où les personnages de l'immeuble s'adonnent à leurs activités quotidiennes au son initial du grincement cadencé du lit du boucher, en ressort réhaussée. Les bruits résonnent, se propagent dans l'espace 5.1, instaurant un rythme collectif qui fait de chaque objet un instrument de percussion. Les différents murmures s'échappant des conduits de l'immeuble s'infiltrent dans la pièce sous une forme éthérée. Mention spéciale aussi au terrible cauchemar de Julie qui mobilise assez généreusement les canaux surround supplémentaires. Quant aux notes de Carlos d’Alessio, elles s'associent harmonieusement à la richesse des dialogues et à la fantaisie des différentes ambiances sonores aujourd'hui déployées.

 

Test 4K Ultra HD Blu-ray : Delicatessen

 
 

Bonus

- Commentaire audio avec Jean-Pierre Jeunet
- Charcuterie fine : le making of
- Morceaux de résistance
- Archives signées Jean-Pierre Jeunet : essais des acteurs
- Entretien avec Jeunet & Caro (2023)

Conclusion

Ce nouveau master 4K, qui tire abondamment profit du Wide Color Gamut, se fait le complice idéal de la vision esthétique distinctive de Delicatessen, en révélant avec une acuité renouvelée des contrastes saisissants et une palette de couleurs très atypique. Petit bémol sur l'apparente réduction du grain 35mm et une compression vidéo encore perfectible. Cela reste une très solide redécouverte...