Test 4K Ultra HD Blu-ray : Paris, Texas (1984)

Publié le par la Rédaction



 

Synopsis

Travis déambule seul dans le désert texan. Destination : Paris, une bourgade de l'État où ses parents ont pour la première fois fait l'amour. Arrivé là, il s'évanouit puis se réveille à l'hôpital. Le médecin, ne parvenant pas à lui extirper le moindre mot, contacte son frère Walt. Ce dernier ramène Travis chez lui où il retrouve Hunter, son fils de 8 ans, qu'il a abandonné quatre années auparavant. "Il y a toutes sortes de pères. Un seul me suffira."

 

NB : Les comparatifs image (compression .jpg, 8-bit) sont strictement à usage illustratif et sont non représentatifs de ce que l'Ultra HD Blu-ray diffusera sur votre écran UHD HDR calibré.

 

Afin de mettre en évidence l'utilisation concrète du Wide Color Gamut (WCG) sur cette édition (voir tutoriel ici), les pixels qui se situent dans la gamme standard/BT.709 (confinés à l'intérieur du petit triangle REC.709) vous sont présentés ici entièrement désaturés. A l'inverse, ceux faisant partie de la gamme élargie BT.2020, exclusive au disque 4K Ultra HD Blu-ray (qui s'étendent à l'extérieur du petit triangle REC.709) vous sont présentés en couleur :

 

⭐🌟 « Il y a toutes sortes de pères. Un seul me suffira. »

Paris, Texas (1984), réalisé par Wim Wenders, offre une vision singulière de l’Amérique, vue à travers les yeux d’un cinéaste allemand. Le film se déploie comme une réflexion poétique sur la désolation et la quête identitaire, empruntant à l’esthétique des grands espaces américains un regard à la fois contemplatif et introspectif. L’histoire suit Travis Henderson, interprété avec une profondeur rare par Harry Dean Stanton. Disparu pendant quatre ans, il réapparaît dans le désert texan, muet et déconnecté, comme une ombre tentant de réintégrer le monde des vivants. Son frère Walt le recueille et le ramène à Los Angeles, où le fils de Travis, Hunter, grandit sans réel souvenir de son père. La dynamique familiale, marquée par l’absence et les blessures du passé, constitue le cœur émotionnel de l’œuvre.

Paris, Texas est avant tout un voyage – géographique, à travers les paysages infinis du désert texan, mais surtout intérieur, dans l’âme d’un homme cherchant à recoller les morceaux épars de sa vie. Travis croit trouver une part de son identité dans Paris, Texas, une ville qu’il associe à ses origines, bien qu’elle demeure davantage une métaphore qu’un lieu tangible. Les personnages s’imposent comme des figures mythologiques modernes, errant dans un monde à la fois contemporain et étrangement atemporel. Harry Dean Stanton incarne avec justesse un homme brisé, hanté par ses choix passés. Nastassja Kinski, dans le rôle de Jane, apporte une fragilité lumineuse et incandescente, marquant les esprits dans une scène de peep-show inoubliable, où son visage devient l’expression même de la douleur et de l’espoir mêlés.

L’atmosphère mélancolique du film est sublimée par la bande originale de Ry Cooder, dont les accords de guitare slide résonnent comme un blues envoûtant, épousant la solitude des personnages et des paysages. La photographie, saturée de couleurs vives – avec une récurrence notable de la couleur rouge – témoigne de l’approche visuelle minutieuse de Wenders, où chaque teinte semble porter une signification implicite. Les silences, omniprésents, deviennent des respirations narratives, révélant l’essence des protagonistes au-delà des mots.

Paris, Texas explore surtout des thèmes universels : les liens familiaux, la culpabilité, l’amour, et la résilience. Le film interroge la capacité à reconstruire des ponts là où la vie a creusé des fossés. Ce film a reçu la Palme d'or à Cannes en 1984. Ce fut amplement mérité.

Qualité Vidéo

Paris, Texas (1984) est le fruit d'un tournage effectué sur pellicules 35mm. Des caméras Arriflex 35 BL3, couplées à des optiques sphériques Zeiss, ont été mobilisées. Pour son 40ème anniversaire, une restauration numérique du film a été réalisée en 2024. Le négatif original 35mm a été scanné en 4K chez L'Immagine Ritrovata, avec le soutien financier du CNC. La restauration et l'étalonnage des couleurs HDR ont eu lieu chez BASIS BERLIN Postproduktion. Sur cette édition française signée Carlotta, le film est restitué dans son ratio original 1.66:1, résolution 2160p avec les deux options HDR10 et Dolby Vision (10-bit, MEL). Un disque BD-100 a été utilisé. Pour ce comparatif, on s'appuie sur l'édition Blu-ray allemande Arthaus (tirée d'une précédente restauration), jusque là considérée comme référence pour ce film.

Le cadrage du nouveau master demeure globalement fidèle à l’édition précédente, bien que des ajustements et recentrages subtils aient été opérés en fonction des plans. Les séquences ont bénéficié d’une restauration approfondie, même si l’œil averti pourra encore déceler la présence sporadique de poussières résiduelles, sans incidence majeure sur l’expérience visuelle. Le point fort de cette nouvelle restauration réside dans l’utilisation d’un scan 4K des négatifs originaux, un choix qui marque une nette différence qualitative. Dès les premiers plans larges, l’immensité des paysages désertiques de l’Ouest américain, les stations-service isolées ou les routes de Los Angeles s’imposent avec une définition plus subtile. Les gros plans ne sont pas en reste : le regard empreint de douleur de Travis, les expressions émouvantes de Jane ou celles d’Hunter gagnent en intensité et en détails. Ce gain en précision établit un contraste entre l'édition précédente et cette version 2024.

Quelques fluctuations en matière de définition restent notables, en particulier lors des fondus optiques, mais elles restent limitées et inhérentes aux procédés techniques d’origine. Le grain 35 mm, moins rugueux que sur le précédent Blu-ray, conserve une présence authentique et respectueuse du matériau source. La compression, bien qu’exécutée sur un disque BD-100, montre quelques limites sur certaines séquences spécifiques. Les scènes de l’aéroport (29mn30s) ou les ciels (à 1h17 min) manquent d’homogénéité dans leur respiration, avec des passages où des artefacts deviennent visibles. Ces fragilités, bien que regrettables, ne suffisent pas à ternir la qualité globale de cette édition.

La direction photographique de Paris, Texas (1984), signée Robby Müller, est reconnaissable à son style visuel distinctif. Ses images saturées, ses contrastes marqués et son utilisation expressive de la lumière composent un univers esthétique puissant. L'étalonnage HDR accentue magistralement ces éléments, créant un écart notable avec le précédent Blu-ray. En HDR, le film adopte une présentation résolument plus moderne. Les intensités lumineuses développées rehaussent les contrastes profonds et renforcent l’aridité des scènes désertiques extérieures. Parallèlement, les intérieurs gagnent en nuances grâce à une gestion subtile de la lumière : les luminaires dans la chambre d’Hunter et les néons omniprésents des scènes nocturnes prennent une dimension presque palpable.

Un des points forts de cet étalonnage réside dans l’exploitation du Wide Gamut, en particulier sur la couleur rouge, véritable fil conducteur du film. La casquette de Travis dans les premières scènes, sa chemise, les néons de la nuit, et bien sûr, la voiture de Jane, s’imposent avec une intensité remarquable. Ce traitement des couleurs, amplifié par le HDR, souligne la poésie visuelle du film et l’importance symbolique de ce rouge omniprésent. Plus globalement, Paris, Texas (1984) se distingue par des contrastes marqués et des couleurs vives qui rappellent les compositions d’Edward Hopper, avec ses juxtapositions chromatiques et ses jeux de lumière. En HDR, cette inspiration prend tout son sens, transformant chaque image en une toile vibrante et profondément expressive.

 

Test 4K Ultra HD Blu-ray : Paris, Texas (1984)

Test 4K Ultra HD Blu-ray : Paris, Texas (1984)

 

Qualité Audio

Le mixage sonore de Paris, Texas (1984) constitue une part intégrante de l’atmosphère unique du film. Sur cette édition, la version originale est proposée en DTS-HD Master Audio 5.1, mais il s’agit en réalité d’une piste monophonique 1.1 (canal central + LFE actifs), comme le confirme le document waveform ci-joint. La musique de Ry Cooder, composée spécifiquement pour le film, est au cœur de cette expérience sonore. Principalement instrumentale, avec une guitare slide envoûtante, elle enveloppe le spectateur dans une ambiance mélancolique et introspective. Ce score, minimaliste mais poignant, agit comme un second narrateur, traduisant les émotions que les dialogues ne verbalisent pas toujours. Les sons ambiants jouent également un rôle crucial. Les murmures du vent dans le désert, qui, par exemple, accentuent l’isolement et la solitude de Travis. L'utilisation significative du silence mérite aussi d'être soulignée. Ce silence, loin d’être un vide, est chargé de sens et contribue à l’intensité dramatique du film. Cette piste restaurée se distingue par une dynamique intacte et surtout par l’absence de sonorités parasites.

La version originale est restituée au choix en DTS-HD Master Audio 5.1 (1152 kbps sous 16-bit) et 2.0 (1014 kbps). L'indicateur de Loudness Range (LRA) a été mesuré sur Paris, Texas (1984) à un solide 22.8 (LU). La VF est proposée dans un format équivalent DTS-HD Master Audio 1.0 (877 kbps, sous-16 bit).

 

Test 4K Ultra HD Blu-ray : Paris, Texas (1984)

Test 4K Ultra HD Blu-ray : Paris, Texas (1984)

 

Bonus

- Introduction par Wim Wenders (2mn44)
- Entretien avec Wim Wenders (49mn16)
- Scènes coupées avec le commentaire optionnel de Wim Wenders (23mn36)
- Entretien mené en 1984 par Philippe Garnier (11mn43)
- Les souvenirs de la famille Henderson en super8 (7mn00)
- Cannes 2024 : Entretien avec Wim Wenders (3mn56)
- Bande-annonce

Conclusion

Cette édition 4K Ultra HD offre une opportunité inédite de redécouvrir Paris, Texas (1984) sous un nouveau jour. Bien que quelques fragilités soient encore perceptibles, l’ensemble se distingue grâce à la qualité du nouveau scan 4K et à un étalonnage HDR moderne et joliment réhaussé. C'est avant tout une œuvre d'une beauté intemporelle, quel que soit le format choisi.