Test 4K Ultra HD Blu-ray : 1984 (1984)

Publié le par la Rédaction



 

Synopsis

En 1984, après une catastrophe dévastatrice, le monde est divisé en 3 blocs. En guerre permanente avec Estasia et Eurasia, Océania est dominée par un gouvernement totalitaire que dirige l'omniprésent "Big Brother". Contrôlée au travers d'innombrables écrans, la vie de chacun y est misérable, notamment celles des prolétaires, considérés comme des sous-hommes. Modeste employé au Miniver, le ministère de la Vérité, Winston Smith consigne secrètement ses réflexions dans un journal intime. "Il ne suffit donc pas de rester en vie. C'est rester humain qui est important."

 

NB : Les comparatifs image (compression .jpg, 8-bit) sont strictement à usage illustratif et sont non représentatifs de ce que l'Ultra HD Blu-ray diffusera sur votre écran UHD HDR calibré.

 

Afin de mettre en évidence l'utilisation concrète du Wide Color Gamut (WCG) sur cette édition (voir tutoriel ici), les pixels qui se situent dans la gamme standard/BT.709 (confinés à l'intérieur du petit triangle REC.709) vous sont présentés ici entièrement désaturés. A l'inverse, ceux faisant partie de la gamme élargie BT.2020, exclusive au disque 4K Ultra HD Blu-ray (qui s'étendent à l'extérieur du petit triangle REC.709) vous sont présentés en couleur :

 

⭕️📺 "Il ne suffit pas de rester en vie. C'est rester humain qui est important."

On ne va pas parler d'un simple film, mais d'une expérience viscérale, un voyage douloureux qui laisse une marque indélébile, une brûlure dans l'âme : 1984, le film de Michael Radford. Ce n'est pas du simple cinéma, c'est une descente aux enfers, une immersion dans les abysses d'un futur où la liberté n'est plus qu'un vague souvenir évanescent. Ce film est l'adaptation magistrale du roman visionnaire de George Orwell, un livre imprégné de sueur froide et d'une peur omniprésente. Radford n'a pas seulement adapté une histoire, il l'a incarnée, il lui a insufflé une vie sombre, oppressante, presque tangible. On ne regarde pas 1984, on le subit, on le ressent jusqu’au plus profond de nos os, comme une fièvre tenace et malsaine.

Dès les premières images, on est happé dans une atmosphère poisseuse et suffocante. L’Océania, ce territoire dystopique, est régi par le Parti, un pouvoir absolu qui écrase toute individualité. Les télécrans omniprésents épient chaque geste, chaque parole. Big Brother, visage inébranlable et regard glacial, est partout, une présence oppressante et inéluctable. Cette société infernale est divisée en trois classes : les membres du Parti intérieur, l’élite dirigeante ; les membres du Parti extérieur, les serviteurs dociles du système ; et les Prolétaires, une masse délaissée et écrasée, dont on cherche à posséder les esprits.

Au cœur de ce cauchemar, il y a Winston Smith, incarné avec une intensité bouleversante par John Hurt. Winston est un fonctionnaire du Ministère de la Vérité, un rouage essentiel de cette machine infernale qui falsifie les faits et réécrit l’histoire. Mais sous cette conformité imposée, Winston est un homme qui suffoque, qui désespère de cette mascarade infernale. Ses pensées secrètes, consignes dans un journal clandestin, sont des « crimes de pensée », une rébellion silencieuse et mortellement dangereuse. Puis, dans cette obscurité asphyxiante, une étincelle naît. Rebelle et sensuelle, Julia, interprétée avec justesse par Suzanna Hamilton, est membre de la Ligue Anti-Sexe, mais son masque de conformité dissimule une insoumission ardente. Leur relation interdite devient un acte de rébellion. Et c'est dans la danse de l'avenir que se révéleront les conséquences de leur insoumission.

Visuellement, Radford crée un univers d’une puissance hypnotique. Les décors sont délabrés, les couleurs délavées, tout semble usé, froid et sale. La photographie signée Roger Deakins capture avec une précision glaçante l’essence d’un monde en ruines, étouffé par l’oppression. Les costumes, les accessoires, chaque détail renforce l’ambiance dystopique. Mais attention : 1984 n’est pas un film facile à regarder. Il heurte, il met mal à l’aise, il écorche. Pourtant, c’est une expérience nécessaire, un memento terrifiant de ce que l’humanité peut produire... de pire.

Retour sur les différentes éditions disponibles

La photographie unique du film est signée par le renommé Roger Deakins. 1984 a été tourné en 35mm, avec une particularité notable : l'utilisation du célèbre procédé Bleach Bypass. Le traitement sans blanchiment est une technique spécifique de développement en laboratoire. Il a été popularisé par des films comme Minority Report de Steven Spielberg. Il se distingue par une faible saturation des couleurs, un contraste élevé et une texture granuleuse marquée, visible dans les ombres comme dans les hautes lumières. Cette approche est essentielle pour apprécier les nuances des différentes éditions aujourd'hui comparées.

La première édition Blu-ray française de 2015, signée MGM, s’écartait considérablement des intentions artistiques de Roger Deakins. Contrairement au traitement original qui s’appliquait sur les tirages ultérieurs, cette version ne respectait pas les caractéristiques du Bleach Bypass, au détriment de la vision du cinéaste et de l'esprit monochrome recherché. En 2019, Criterion a proposé une nouvelle édition Blu-ray tirée d'un master 4K, avec une restauration supervisée par Roger Deakins lui-même. Cette version respectait pleinement la texture granuleuse et l’esthétique froide et organique, emblématique du film. En 2024, Capelight en Allemagne a sorti une toute première édition 4K Ultra HD Blu-ray du film, opérant un léger recadrage (on perd légèrement sur les quatre coins de l'image par rapport au Blu-ray de Criterion), tout en respectant les grandes lignes de l'étalonnage du disque approuvé par Deakins. Tout cela sans HDR, mais avec un apport de définition largement attestable et un encodage HEVC pleinement supérieur.

Tout cela nous amène à cette édition UHD française signée Rimini Editions sortie en décembre 2024. Elle a l'originalité de présenter le film dans une version entièrement inédite, bénéficiant d'un étalonnage HDR et de l'option Dolby Vision. Mais pas que... Car en toute transparence, l'éditeur mentionne que le film a bénéficié de nouveaux travaux numériques. Ils ont été confiés à Laurent Derynck au sein du laboratoire TCS. Le film est présenté sur ce disque 4K Ultra HD Blu-ray en résolution 2160p, avec les deux options HDR10 et Dolby Vision (DV, MEL sous 10-bit).

Sachez que les illustrations présentées sur cette page portent une comparaison entre l'édition 4K Ultra HD Blu-ray de Rimini et le Blu-ray (2019) de Criterion. Mais notre vidéo comparative porte sur les deux éditions 4K UHD : FR (Rimini) vs DE (Capelight) qui ont le mérite d'être basées sur le même matériel de départ avec une identique fenêtre de scan mais des traitements radicalement différents.

Qualité Vidéo

De quelle nature reposent les travaux numériques effectués pour cette édition française ? Et bien vous allez très vite vous en apercevoir. Un étalonnage HDR certes, offrant de nouvelles propositions aux Home-Cinéphiles équipés. Mais avant tout et surtout : un dégrainage massif des images qui saute aux yeux dès les premiers instants. Le film récupère la même fenêtre de scan que l'édition UHD/SDR allemande. Mais perd l'essentiel de son grain. Et il ne s'agit pas d'une perte anodine. Cette altération n'est pas sans conséquence, car elle touche une composante essentielle de la photographie souhaitée par le chef opérateur. La texture brute et dense, accentuée par le traitement Bleach Bypass, ainsi que le style éprouvant et rugueux qui a du sens dans ce contexte dystopique, subissent un polissage notable. Alors attention : il ne s'agit pas ici de prendre position quant à la pertinence des choix qui ont été entrepris, mais plutôt de souligner, de manière impartiale, que l'image de cette édition française a subi un filtrage significatif. C'est un fait.

Malgré ce choix controversé, l’édition conserve de grandes qualités. Les travaux numériques, bien qu’intrusifs, ont été réalisés avec rigueur, éliminant nombre de défauts de pellicule tout en préservant une partie du grain, notamment dans les zones lumineuses (ciels et sources d'éclairage). Il n'y a guère d'artefacts de netteté à relever. Et on peut raisonnablement penser que cette version trouvera son public avec son grain bien moins rugueux que d'autres versions étrangères. La définition globale reste solide, offrant des contours nets et une image bien plus fine que les éditions précédentes Blu-ray, qu'il s'agisse du Blu-ray MGM que de l’édition Criterion de 2019. Et la compression HEVC est solide.

L'étalonnage HDR de cette édition s'inscrit dans la continuité des versions étrangères précédentes, tout en adoptant une approche HDR résolument affirmée. Les hautes lumières sont notablement rehaussées, comme en témoigne une moyenne des pics lumineux mesurée à 605 nits. L'impact de cette intensification se manifeste aussi bien dans les scènes en intérieur (comme les bureaux du Ministère de la Vérité, l'appartement de Winston et la boutique de Mr. Charrington) que dans les scènes en extérieur (les zones de rassemblement, les manifestations et les scènes rurales). Vous noterez l'absence quasi totale de couleurs mobilisant le Wide Color Gamut. A l'exception des lettres rouge lors du générique introductif. Ce n'est pas une surprise, vu qu'il a toujours été question d'une ambiance partiellement incolore pour ce titre.

L'étalonnage HDR constitue une proposition intéressante car il a tendance à générer un aspect très dur, très contrasté, entrant en résonnance avec les thématiques développées. Mais l'optimisation numérique réalisée et la minimisation du grain posent question.

 

Test 4K Ultra HD Blu-ray : 1984 (1984)

Test 4K Ultra HD Blu-ray : 1984 (1984)

 

Qualité Audio

Rappelons que l'histoire des bandes originales du film 1984 (1984), réalisé par Michael Radford, est marquée par une divergence artistique notable entre le réalisateur et la production, entraînant la coexistence de deux bandes-son différentes. Pour les amateurs de version originale, l'édition Rimini propose une expérience audio enrichissante. Elle se distingue de l'édition MGM de 2015 en incluant les deux pistes VO mono 2.0 : l'une accompagnée de la musique d'Eurythmics, au style plus pop, et l'autre mettant en avant la composition orchestrale de Dominic Muldowney, fidèle à la vision du réalisateur. Ces pistes, techniquement bien maîtrisées et exemptes de craquements ou de distorsions restent une source de satisfaction. La version française, quant à elle, est proposée en 2.0.

Les deux versions originales sont restituées en DTS-HD Master Audio 2.0 (1856 et 1812 kbps, sous 24 bit) pour une VF au format équivalent (2103 kbps). En VO, l'indicateur de Loudness Range (LRA) a été mesuré à 22.5 (LU).

 

Test 4K Ultra HD Blu-ray : 1984 (1984)

Test 4K Ultra HD Blu-ray : 1984 (1984)

 
 

Bonus

- Michael Radford raconte 1984
- Retour en 1984, documentaire de Alexandre Jousse avec les interventions de Caroline Vié, envoyée spéciale sur le tournage, et Laurent Aknin, auteur de « Esotérisme et cinéma »
- Réflexions à propos de 1984 : interview de François Brune, auteur de « Sous le soleil de Big Brother »
- Livret de 40 pages incluant des articles du Hors Série Le Point – Grandes Biographies – George Orwell

Conclusion

Dans un monde où l'image est un grand bastion de la mémoire, cette édition de 1984 semble avoir cédé une partie de ses archives au Ministère de la Vérité. La rugosité originelle du grain, marqueur tangible d’une époque et d’une intention artistique, a été partiellement gommée et avec une froide efficacité. Ce choix, presque orwellien dans son essence, participe à une relecture du film, effaçant ses aspérités pour offrir des surfaces plus lisses, quelque peu dépouillées de l’émotion brute qui s'y nichait. Et paradoxalement, cela a son charme à l'écran...

À l’instar de Winston face aux archives falsifiées, on est en droit de se demander si ce que l’on contemple est encore une vérité artistique ou une version remaniée pour satisfaire des standards contemporains. Le traitement numérique a été réalisé avec soin. Il confère une modernité séduisante. Mais il prive également l’œuvre de son âpreté originelle, celle qui incarnait si justement l’essence dystopique du récit.

Loin d'être sans qualité, cette édition française captive par son aspect à la fois fascinant et dérangeant. Surtout lorsque d'autres éditeurs, s'appuyant sur une même base scannée, proposent des versions dénuées de tels filtrages. Il vous suffira de visionner notre vidéo comparative pour vous en rendre compte. C'est notre point de vue mais on trouve quand même discutable l'absence d'homogénéïté entre ces différentes éditions UHD (2024). Ceci dit l'étalonnage HDR, considéré de façon isolé, apporte à 1984 une modernité qui est loin d'être inintéressante. Donc un achat à envisager en pleine connaissance de cause !