Test Blu-Ray : Alien 3
Publié le par la Rédaction
Analyse du film
Mis en scène en 1992 par un jeune réalisateur au nom de David Fincher alors âgé de seulement 28 ans, Alien 3 constitue la suite quasi-directe du film de James Cameron, Aliens, le retour. Ce troisième volet se démarque néanmoins de façon radicale, sur le fond et sur la forme, du précédent. Fincher a renouvelé à sa manière le virage de 180 degrés opéré autrefois par James Cameron vis-à-vis de l’œuvre originale Alien, le 8ème passager. Toutefois, contrairement au film de Cameron, c’est un bien plus élégant retour aux sources de l’horreur qui nous est proposé. Alien 3 est une aventure située en marge de la civilisation. Et cette aventure s’effectue avec une seule créature étrangère en guise de menace. C’est ce qui avait fait tout le succès du chef d’œuvre de Ridley Scott en 1979. Selon nous, Alien et Alien 3 constituent d’ailleurs les deux meilleurs volets de cette saga pour cette principale raison.
Mais cet Alien 3 de David Fincher, premier long métrage de ce qui n’était alors qu’un « simple » prodige de clips vidéo, reste un film terriblement frustrant pour le cinéphile. Alien 3 est né d’une phase de pré-production au combien laborieuse obligeant Fincher à entamer le tournage sans aucun scénario finalisé à sa disposition. La volonté du jeune cinéaste de proposer une œuvre singulière vis-à-vis des précédents volets Alien s’est heurtée à une difficulté supplémentaire : l’absence presque totale de pouvoir de décision sur son œuvre, obligeant même Fincher, en conflit direct avec le studio, à se désengager totalement du projet. Si Alien 3 reflète dans une large mesure l’univers du réalisateur de Fight Club, à la fois profond et viscéral, on est en proie à se demander tout de même si ce troisième volet d’Alien constitue intégralement « son » film et dans quelle mesure ce dernier aurait pu être un plus grand chef d’œuvre encore si ses différentes phases de conception avaient été moins chaotiques. Une question qui restera à jamais en suspens….
David Fincher est-il parvenu à compléter de façon brillante cette saga et enrichir sa mythologie ?
Pour nous, c’est clair : OUI ! Tour d’horizon rapide des quelques points forts du film…
Un film rythmé de façon organique
D’emblée, David Fincher, dont Alien 3 est tout le premier long métrage, étonne par la virtuosité dont il fait preuve au travers sa mise en scène. Le générique d’entrée est sans doute le plus original des quatre films. Il ensorcelle littéralement les spectateurs grâce à des séquences subtilement découpées, parfaitement adaptées au rythme imposé par la bande originale d’Elliott Goldenthal aux composantes à la fois ancestrales et organiques. Voilà une entrée en la matière très instinctive et au combien réussie. Fincher brouille en supplément nos sens et l’ensemble de nos repères en situant l’action en terre inconnue. Il fait périr, en l’espace de quelques instants à peine, l’ensemble des compagnons de Ripley : Hicks, Newt jusqu’à l’homme automate. De vieilles figures familières ainsi disparaissent et Fincher s’affranchit par ce biais d’une éventuelle influence de ses deux ainés. Autre scène totalement originale et dont l’effet principal a presque été découvert sur le vif du plateau de tournage : l'utilisation de la Steadycam durant la séquence de poursuite dans le labyrinthe formé par les couloirs de la fonderie. Renversante : c’est le cas de le dire !
Davantage organique est devenu aussi le personnage principal. Ripley nous est rapidement présentée non plus comme une femme en phase d’émancipation (Alien) ni en tant que mère protectrice angoissée (Aliens), mais désormais en tant qu’héroïne confrontée à elle-même et à son propre corps. Comme si sa troisième mission relevait d’une acceptation de l’Alien-Etranger en tant que composante ontologique, en tant que composante naturelle de son propre corps. Comme si l’Alien, étrange créature reptilienne, avait toujours fait partie d’elle…
Un cadre apocalyptique cohérent
Malgré un scénario, au moment du tournage sans doute flageolant, l’histoire, au travers les lieux traversés et ses personnages, fait preuve d’une très grande cohérence symbolique. Rappelons que Ripley, qui suit un parcours héroïque relativement conventionnel au travers cette saga, doit au cours de cette troisième phase de voyage cosmique, réaliser une ultime prise de conscience, une prise de conscience à partir de laquelle elle réalisera, sur le plan manifeste, une troisième mutation, une renaissance. Elle doit prendre conscience, en tant qu’héroïne, qu’elle englobe, comme tout à chacun, le bien et le mal et que l’Alien, en tant que figure étrangère, qui effraye et divise, n’est pas extérieure à elle mais bel et bien une créature tapie au plus profond même de son inconscient.
Le tour de force de Fincher est d’avoir assimilé subtilement et de façon métaphorique bien sûr, la créature diabolique à l’égo, le mental, la fausse personnalité constituée des idées, des croyances, des souvenirs ainsi que des précédentes expériences de l’héroïne, qui privent constamment le sujet de liberté et qui l’entraînent dans un schéma de souffrance cyclique dont le cadre du film Alien 3 n’en sera qu’une nouvelle manifestation. Ripley devient en quelque sorte Persée, qui, s’assurant de ne plus devenir le porteur de chaos, en tranchant la tête de Méduse - ablation symbolique de son élément reptilien - va sacrifier son égo. D’ailleurs, ce sacrifice de l’égo est un sujet très cher au réalisateur. Il est au cœur même de son chef d’oeuvre Fight Club et reste visible en filigrane au sein de quelques-uns de ses somptueux clips vidéo (Voir l’excellent Nike Trail of Destruction – Alter Ego). Sans parler de son dernier The Social Network, long métrage consacré à Facebook, terrain de jeu virtuel favorable aux différentes stratégies de valorisation de soi ( « I wish I was special… » ). Génie de Fincher oblige, dans Alien 3, l’Alien est un étranger bien plus subtil et profond que sur les précédents volets.
Une maîtrise totale des principales icônes
Pour figurer tout cela, Fincher, qui maîtrise vraisemblablement l’ensemble de ces motifs, s’appuie sur un archétype principal : celui de l’apocalypse, concept qui signifie bien plus qu’une « destruction » ou une éventuelle « fin du monde » puisque renvoyé à l’idée de « révélation ». Il s’agit d’une « mise à nu » et chose curieuse : c’est ce que proposera très rapidement le réalisateur à son personnage principal qui a désormais le crâne rasé et qui n’hésitera pas à se dévoiler totalement (au sens aussi érotique du terme) devant l’inconnu masculin.
Plus concrètement, l’univers que le réalisateur dépeint dans cette 3ème aventure reste proche visuellement d’un cadre apocalyptique. C’est un univers isolé, sombre et stérile où les hommes sont détenus dans un cadre carcéral évoquant l’idée d’un emprisonnement. Ici l’emprisonnement par le corps en figure un autre : celui qui s’effectue par les idées, le mental ; un mental ici qui s’abreuve d’un système idéologique, composé de superstitions et de croyances en tout genre. Pour figurer cette forme maligne d'emprisonnement, Fincher exploite, à l’image de George Lucas dans son THX 1138, un superbe symbole : ce code barre subtilement accolé à la base du cerveau reptilien d’une poignée d’hommes justement prisonniers. Quelle formidable image ! Mi léopard, mi dragon, l’Alien lui-même ressemble désormais à la Bête de l’Apocalypse biblique.
Ripley : Figure christique ?
Dans le film de David Fincher, le corps est constamment présenté comme une prison dont il faudrait s’extraire. Le rapport au corps est l’un des grands motifs du film. Car au-delà de l’Alien, qui on le sait désormais, s’extrait du ventre de ses hôtes avant d’entamer une seconde phase évolutive, c’est bien l’ensemble de l’univers dépeint par le metteur en scène qui évoque clairement une rupture voire une volonté de s’affranchir par la voie du corps. Fincher multiplie les épreuves, douleurs, souffrances, et pousse à un point culminant l’horreur corporelle. Les personnages, issus d’un univers chrétien médiéval, se battent de manière on ne peut plus rustique. Ils crachent, sont soumis à des pulsions violentes. Ils suent et saignent. Fincher nous propose même une scène de dissection étonnante aux bruitages éminemment perturbants. Notez qu’il s’est appuyé sur le talent de Jordan Cronenweth, directeur photo, pour l’aider à maximiser l'ambiance glauque du film. Celui-ci fut atteint malheureusement, avant la fin même du tournage, de la maladie de Parkinson : une difficulté supplémentaire à relever pour Fincher…. Néanmoins sous son scalpel, et au travers une filmographie injectée de sang, notre jeune réalisateur parvient à révéler les plaies d’un système, en quête certes d’harmonie, mais d’une harmonie qui s’effectue par la voie de l’aliénation et dont la métaphore filée reste l’image de cette gigantesque prison.
Par son sacrifice final héroïque, Ripley pourrait facilement s’assimiler à la figure du Christ. Par le sacrifice de son corps, elle révèle aux spectateurs un grand mystère divin et prépare l’avènement d’un nouveau monde libre car éclairé par un nouvel œil : non celui du conditionnement religieux mais de la libre spiritualité. La mort de Ripley n’en est donc pas une. Elle symbolise simplement l’affranchissement de l’héroïne à l’égard de son propre monstre reptilien, son Alien, son égo, accédant alors de plein droit aux symboles d’une royauté accomplie. Une mort qui induira donc vite une renaissance, une résurrection, à la suite de laquelle Ripley, personnage divin pleinement éveillé, pourra s’amuser et éclairer du feu de son expérience une nouvelle génération d’aventuriers ; l’une des raisons sans doute pour laquelle Jean-Pierre Jeunet fera du quatrième film, Alien Resurrection, une pure comédie délirante, Ripley n’ayant plus d’obstacles légitimes sur le plan mythologique auxquels s’opposer.
Conclusion
Film profondément pessimiste cet Alien 3 ? Bien au contraire ! Il s’agit curieusement du plus optimiste des trois premiers. Fincher a permis à Ripley, assumant désormais toute sa dualité, de mettre fin à un très long calvaire. Le réalisateur a aussi, par le même procédé, mis fin au long calvaire qu’a pu représenter à ses yeux la conception de son tout premier film, sans doute le plus difficile et chaotique de toute sa carrière mais dans lequel on retrouve déjà quelques-unes des thématiques qui lui sont chères.
Alien 3 est à nos yeux un excellent film, que l’on aurait placé à la hauteur même du premier si Fincher en avait assumé, telle Ripley en tant que nouvelle mère de la Reine des Aliens, la paternité.
Qualité Technique
Caractéristiques - Version "Copie de travail restaurée" de 2003
Vidéo : Transfert 1080p MPEG-4 AVC (Débit moyen de 19489 kbps) / Format 2.35
Audio : Anglais en DTS-HD Master Audio 5.1 (Débit de 4145 kbps / Encodage 24-Bit), Français et Allemand en DTS 5.1 (768 kbps / 24-bit)...
Sous-titres : Anglais, Danois, Néerlandais, Finnois, Français, Allemand, Norvégien, Portugais, Espagnol et Suédois
Caractéristiques - Version Cinéma de 1992
Vidéo : Transfert 1080p MPEG-4 AVC (Débit moyen de 19489 kbps) / Format 2.35
Audio : Anglais en DTS-HD Master Audio 5.1 (Débit de 4198 kbps / Encodage 24-Bit), Français et Allemand en DTS 5.1 (768 kbps / 24-bit), 1 Pistes isolée (Bande originale)
Sous-titre : Anglais, Danois....
Qualité Vidéo
Contrairement aux deux premiers volets, le Blu-Ray Disc d’Alien 3 n’a pas été labellisé THX. Les deux premiers films ont bénéficié d’une excellente restauration. Malheureusement, il en est un peu différemment d’Alien 3, un film rappelons-le renié par son créateur, David Fincher. Ce qui malheureusement saute aux yeux, c’est le manque sévère de piqué. Les images proposées sont douces, souvent peu accrocheuses et bien en deçà du rendu image relatif aux deux premiers films. C’est à nos yeux une déception d'autant qu'il s'agit d'un film plus récent. Heureusement, tout n’est pas mauvais et cette édition vient corriger quelques-uns des défauts qui entachaient la précédente édition DVD. Le transfert reste globalement propre et épuré de détritus pellicule en tout genre. Le niveau de définition sait tout de même s'apprécier et l’encodage effectué en MPEG-4 AVC, même avec un débit moyen de 19 Mbps, semble également tout à fait au point offrant des images qui restent stables dans l'ensemble. Enfin les couleurs sont justes, en accord avec les choix initiaux de Fincher et de son directeur photo, Alien 3 étant un film rudement stylisé, au traitement colorimétrique particulier, et l'ambiance picturale très moyenâgeuse. On parlera d’un résultat à demi-teinte car il peine tout de même à être comparé à ce que Fox nous a proposé avec les deux premiers films.
Qualité Audio
Heureusement, la section audio est bien plus satisfaisante et aujourd’hui on redécouvre Alien 3 à l’aide de la VO DTS-HD Master Audio. Cette piste, profondeur 24-bit, présente un débit moyen de 4.1 Mbps et se veut tout aussi impressionnante que la VO d’Alien 2, bien que différente. Inutile d’y aller par quatre chemins. Cette bande son exploite admirablement l’ensemble de la scène sonore, avec une activité de l'axe surround au combien plaisante, satisfaisante et enveloppante. La réponse en fréquence ainsi que la dynamique sont presqu’irréprochables et offrent une écoute si ce n’est endiablée comme il le fut sur Aliens, énergique et perforante jusque dans les rugissements de la créature. La bande son a été superbement conçue à l’époque, présente des textures sonores affinées et pleinement adaptées au contexte carcéral et apocalyptique du film. La bande son mêle des chants à consonance religieuse, résolument ancrés dans une ambiance moyen-âgeuse, ponctués de passages modernes et énergiques ainsi que de certaines originalités acoustiques : des bruitages évoquant toute l’ambivalence de la créature dessinée par le virtuose Giger, c'est-à-dire tantôt mécaniques tantôt davantage organiques. Aucune déception sur cette version originale affichant de belles valeurs ambiophoniques, des sonorités créatives et une très belle énergie.
Côté VF, tant que Fox propose du DTS mi débit, on ne pourra qu’être déçu du rendu proposé. Cette VF est plus aléatoire dans le placement des voix et beaucoup moins détaillée et robuste que sa sœur ainée DTS-HD.
Bonus
Disque 3
- Version cinéma de 1992
- Edition Spéciale de 2003 (Copie de travail restaurée)
- Commentaires audio du chef opérateur Alex Thomson, B.S.C, du monteur Terry Rawlings, des concepteurs des effets spéciaux de l'Alien Alec Gillis et Tom Woodruff, du producteur des effets visuels Richard Edlund et des acteurs Paul McGann et Lance Henriksen
- Piste isolée de la bande-originale de Elliot Goldenthal
- Scènes coupées ou prolongées
- Mode MU-TH-UR : visionnage interactif des données et archives de Weyland-Yutani
Disque 5
Epave et Rage : le Making-of d'Alien 3
Un excellent document dans la mesure où il fait preuve d'une extrème franchise. Un processus de création extrèmement laborieux qui nous est présenté en détail et en toute sincérité et sans langue de bois : grosses tensions sur le plateau de tournage, problèmes d'argent, différents créatifs, réglements de compte... On regrette l'absence de David Fincher.
- Accouchement dans la douleur : conclure l'histoire (SD - 17.42 minutes)
- Les contes de la planète en bois : la vision de Vincent Ward (SD - 13.11 minutes)
- Interruption de la stase : la vision de David Fincher (SD - 14.13 minutes)
- Xeno-Erotic : les nouvelles illustrations de H.R Giger (SD - 10.20 minutes)
- La couleurs du sang : Pinewood Studios, 1991 (SD - 23.42 minutes)
- Le cercle vicieux : Différences créatives (SD - 20.58 minutes)
- Les brûlures glaciales du soleil : Fox Studios, LA 1992 (SD - 17.53 minutes)
- Fureur visuelle : les effets visuels (SD - 24.04 minutes)
- Requiem pour un cri : musique montage et bande son (SD - 14.53 minutes)
- Post-Mortem : les réactions au film (SD - 8.24 minutes)
Disque 6
Différents documents (galeries photos, storyboards originaux, essais des acteurs...) agencés en trois modules :
- Pré-production
- Production
- Post-production
Conclusion et Screenshots HD
Conclusion
En tant que premier film du réalisateur, issu d'un processus de création des plus difficiles, Alien 3 reste pour nous un excellent film à tout point de vue. Malheureusement, le transfert s'avère beaucoup moins impressionnant que ceux correspondant aux deux premiers volets composant cette anthologie Blu-Ray Disc. La section sonore reste pleinement satisfaisante, sonne résolument "haute définition" dans le rendu de sa version originale. Les bonus sont excellents malgré l'absence du metteur en scène, qui a toujours renié la paternité de ce premier film.
Un Blu-Ray Disc qui dans l'ensemble reste tout de même satisfaisant mais qui n'est pas la hauteur des deux premiers.
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Screenshots HD (Extraits redimensionnés en 1280 x 720 pixels et encodés au format .jpg)