Test Blu-Ray : A Vif
Publié le par la Rédaction
A Vif est un film de Neil Jordan réalisé en 2007 bénéficiant d'une superbe interprétation signée Jodie Foster. Cette dernière incarne Erica Bain, une jeune femme perdant tragiquement son mari et en quête de reconstruction identitaire.
Interrogeant le lourd sujet de la justice individuelle dans sa dimension morale, psychologique et sociale, A Vif aborde le débat relatif à l'injustice de façon pleinement bouleversante sans toutefois prendre position : Faut-il se référer à la voie légale ? Se faire justice est-il un acte mauvais ? Quelles circonstances peuvent nous amener à tuer et quelles sont les conséquences de cet acte ?
Que vaut cette édition Blu-Ray Disc signée Warner Home Video ? Notre test est ici :
Caractéristiques
Vidéo : 1080p VC-1
Audio : Anglais en Dolby TrueHD 5.1, Français, Anglais, Espagnol, Allemand et Italien en Dolby Digital 5.1
Sous-Titres : Anglais, Français, Allemand, Italien, Espagnol, Portugais, Néerlandais, Danois, Finnois, Norvégien, Suédois, Chinois et Coréen
Bonus : I Walk The City et Scènes additionnelles
Résumé
Erica Bain est une jeune femme de New York bien connue des citoyens par sa profession. Elle anime en effet une émission de radio. En passe de se marier, le couple fiancé se voit attaqué un soir près de Central Park et le drame arrive : David Kirmani est tué, et Erica s'en sort avec de sérieuses blessures. Mais celle qui l'atteindra le plus sera psychologique. Comment faire face à la perte de son compagnon ? Cette blessure profonde ne se refermera à vrai dire jamais.
C'est une nouvelle personne qui prend place au sein du corps d'Erica. Animée par la peur et l'angoisse liée à cette perte récente, la jeune femme se doit de reconstruire son identitée en vue de parvenir à donner un sens à sa vie. Face à l'incapacité de l'administration de l'aider tant d'un point de vue émotionnel que juridique, Erica effectue le choix d'acheter une arme. Cette décision se voudra lourde de conséquence ; les évènements conduiront en effet Erica à se servir à plusieurs reprises de son 9mm. Animée toutefois par une légitime défense et un questionnement psychologique portant sur la moralité de ses actions, Erica devient une autre personne à la personnalité courageuse mais profondément obscure.
Le choix de se faire justice était-il le bon ? Erica parviendra-t-elle à retrouver sa personnalité d'antan ou la perte de David fut-elle pour elle un évènement irréversible ?
Une justicière ?
A Vif aborde le sujet pour le moins important de la justice dans tout ce qu'elle implique aux yeux d'une victime. Mais ce sont davantage des questions que des réponses que soulève ce film véritablement bouleversant. Jodie Foster incarne effectivement un personnage plutôt atypique en cela qu'il s'agit d'une femme adoptant un rôle souvent attribué au genre masculin. Une femme en soi qui se fera justice elle-même.
Ce choix délibéré et Jodie Foster remplira parfaitement ce rôle, permet d'aborder cette thématique sous une dimension émotionnelle là où les films adoptant le genre du justicier masqué n'ont pas, homme oblige, à justifier les actes de leur héros contournant la loi tout en assurant la justice.
Il s'agira de mieux comprendre ce qui pousse une victime à faire le choix d'abandonner la voie légale et de se faire justice ainsi que de mieux saisir l'implication émotionnelle que ce choix implique. Et ici, A Vif n'effectue aucun parti pris : le film met simplement en image et en son les causes, le contexte et les conséquences poussant une femme ayant perdu son mari à acheter et utiliser une arme.
Peur, New-York et Erica
Plusieurs dimensions sont ainsi ici abordées au sein de ce film de Neil Jordan et permettent d'illustrer cette thématique très cinématographique de l'autojustice. Tout d'abord, le choc émotionnel du à la perte du compagnon et le rôle de la peur. C'est une véritable transformation que doit subir Erica, pour ne pas dire disparition. Deux New-York s'opposent : celui d'avant le meurtre et celui d'après. De même, deux Erica s'opposent : l'une d'avant l'accident, et l'autre d'après. New York et Erica sont tout deux dépeints en tant qu'organismes vivants et changeant. Erica et New-York ne sont plus les mêmes avant et après le meurtre du compagnon. Et c'est la peur qui induit ce double changement.
New York apparaît ainsi à la fois sombre et obscur. Les déplacements d'Erica sont présentés de façon onirique avec un détachement, basculement, et vertige de la caméra faisant écho à l'état émotionnel du personnage, apparaissant froid et détaché du monde. La caméra tangue au fil des déplacements de Jodie Foster. L'éclairage de certaines scènes nous plongent dans un monde nouveau quasi fantastique où notre vision apparaît floue.
Neil Jordan parvient ainsi à mettre en images l'état d'âme d'Erica. L'utilisation de New York en tant que réel organisme vivant et changeant en relation au bouleversement émotionel d'Erica n'est pas anecdotique. C'est l'émotion de cette dernière qui induit les mouvements de la caméra et l'intensification des sons.
Est-il toujours immoral de tuer ?
Autre dimension et implication de l'autojustice : la morale. Sans défendre la voie légale ni la critiquer, A Vif aborde surtout les limites des deux conduites relatives à la justice et au traitement des victimes.
- La voie légale conduite par le respect de la loi est présentée de façon plutôt objective. Elle est efficace dans certains cas, permet d'assurer un ordre social, mais accuse aussi de sérieuses limites. Le détachement de l'administration à l'égard des victimes, identifiés par de simples numéros, est incapable de répondre au choc purement émotionnel et aux sentiments d'une victime. C'est l'incapacité de cette administration policière invitant Erica à patienter tel un client au sein d'une salle d'attente, qui conduit la jeune femme à prendre les devants. Est-il ainsi juste de respecter la loi lorsque les organisations en charge de la respecter n'y parviennent pas ? Voilà une des questions que soulève assez ouvertement ce film.
- De même, prendre et utiliser un 9mm pour faire respecter ce qu'Erica juge bon au moment où elle est amenée à agir (légitime défense, secours d'une prostituée, assassinat d'un récidiviste ayant échappé aux mains de la justice) relève-t-il de l'acte bon ou mauvais ?
Dans tous les cas, il semble que la justice (administration légale ou justicier personnel et hors la loi) implique nécessairement une prise de détachement. Comme l'administration, Erica - justicière - est devenue paradoxalement froide, détachée du monde : elle a perdu une part de son humanité : elle est devenue une étrangère : "personne".
A Vif traite ainsi ces lourdes et douloureuses questions sans porter de jugement ni d'accusation mais en exposant le contexte, l'état émotionnel et les conséquences entourant ces actes de justice qu'ils soient bons ou non au final pour les victimes et la société.
Qualité Technique
Vidéo
A Vif nous est ici proposé dans sa version 1080p VC-1 au format 2.40:1. Et il va s'en dire que Warner s'en sort plutôt bien avec cette édition. Certes, il ne s'agit pas d'un film profondément "vif" et lumineux. Le thème du film étant relativement obscur, l'aspect visuel l'est également et l'ambiance générale reste plutôt pâle.
On appréciera une véritable profondeur de noirs, une très faible présence du grain qui apparaît ici naturel, et un piqué général de l'image bénéficiant d'une vraie précision. Les jeux de lumière de la ville de New-York sont plutôt joliment exploités. Les couleurs apparaissent elles-mêmes volontairement déssaturées. On assiste ici à un transfert de bonne qualité.
Audio
Warner nous gâte avec A Vif en n'oubliant pas d'intégrer une piste non compressée. La version originale d'A Vif est effectivement déclinée en Dolby TrueHD 5.1. Certes il ne s'agit pas d'un film d'action nécessitant des effets les plus dynamiques et renversant. Mais l'utilisation des effets sonores est plutôt joliment exploitée. Erica Bain enregistre effectivement pour son émission de radio les sons émis par l'environnement urbain de New-York. Certaines scènes mettent ainsi l'accent sur les éléments environnementaux revisités par la peur nouvelle du personnage et nous envoutent. Les voies surround sont exploitées plutôt rarement mais accompagnent habilement ces scènes à l'ambiance onirique où Erica voyage dans une ville dominée par la peur. La priorité est toutefois donnée aux dialogues présentés de façon fine et définie. Et c'est surtout la narration effectuée par Jodie Foster au sein de ce film (le personnage animant une émission de radio) qui est particulièrement attachante. Elle est exploitée en tant que voix intérieure et suit au fil du film l'état d'esprit du personnage. Une voix qui en version originale est véritablement fantastique. La version française est déclinée en Dolby Digital 5.1 (640 Kbps). Elle bénéficie d'un très bon équilibre.
Bonus et Conclusion
Bonus
I Walk The City
Côté bonus, cette édition Blu-Ray Disc nous offre un petit making-off d'une vingtaine de minutes relativement sommaire mais offrant certaines informations toujours interessantes à prendre en compte pour le spectateur avide d'en savoir un peu plus sur cette réalisation. Sont abordés plusieurs éléments. Tout d'abord, le scénario. Limité au pur genre policier, il a subi certaines modifications et l'accent général a été accordé au développement de la dimension féminine du protagoniste. L'implication de Jodie Foster fait l'objet également de ce documentaire. C'est par exemple elle qui a suscité l'idée d'Erica, animatrice de radio, un élément permettant d'exposer au public l'état d'esprit du personnage. "I Walk the City" revient également sur l'importance de la réalisation tenue par Neil Jordan, habitué à réaliser les films qu'il a lui même écrit (ce qui ne fut pas le cas avec A Vif). Le réalisateur revient sur la dimension organique de la ville de New York, une ville étrangère à ses yeux. Enfin, le traitement photographique clôt ce documentaire. Ce dernier reste sommaire mais relativement complet. Il est proposé suivant les scènes partiellement en 1080p, 480p et 480i.
Scènes Additionnelles
Autre supplément, les scènes supprimées du montage final. Toujours interessantes à consulter, on notera une présentation plutôt médiocre effectuée par l'éditeur. Ces scènes sont effectivement juxtaposées les unes aux autres, avec l'incapacité pour l'utilisateur de passer d'une scène à l'autre. Reste que l'ensemble dure près d'une douzaine de minutes.
Conclusion
Au final, cette édition Blu-Ray Disc d'A Vif est plutôt une réussite. La qualité technique et l'interprétation habile de Jodie Foster devraient plaire aux amateurs de haute définition. Seul peut-être le relatif manque de bonus est à déplorer mais l'ensemble reste très positif.